Memet regardait la campagne franc comtoise dérouler ses couleurs, ses vallons, ses collines boisées et parfois ses falaises abruptes au travers de la vitre cote passager de cette berline allemande. Il ne se souciait guère pour l’instant de son voisin qui conduisait d’une manière rapide mais sure et assurée . Il était plonge entièrement dans cette reflexion: il avait du mal a faire une distinction entre le temps écoulé et la distance parcourue.
Probablement la premiere grande sortie de son petit village, le voila engage dans un périple, accapare par la beauté des paysages et par une nouvelle perception de la distance. Ils avaient deja parcouru l’equivalent de 200 km . Jamais il n’était allé si loin auparavant. Ce qu’il pensait être loin autrefois était soudainement proche. Il comprenait soudainement ce que le mot voyage recelait vraiment.
Il se tourna vers son ami dont il avait accepter l’offre de partir pour la Cote d’Azur pour déceler chez lui éventuellement le meme sentiment d’étonnement, de questionnement mais non, Georges était impassible et tranquille en habitue de ces longues distances ou il aimait découvrir les petites curiosités nichées au coeur des villages qu’il traversait.
Georges était Professeur d’Histoire a l’Institut des Langues Orientales. Il s’était attache a Memet lorsque celui ci rempli d’admiration lui a envoye une lettre a l’institut suite a un article découvert dans un grand journal.
Memet tremblait de bonheur a l’idee de partager des kilomètres de bitume, des arrêts inopinés dans les petits villages médiévaux le long de la vallée du Rhone, ou des excursions tout aussi inopinées dans des endroits recules ou nichait une petite chapelle aussi curieuse que désuète. Mis bout a bout ces découvertes, ces circuits aidaient tout simplement a comprendre l'evolution de la population, la circulation de la religion chrétienne et insidieusement le développement économique et politique de ces coins de France.
Entre deux arrêts, après un cours d’histoire qui tenait en haleine Memet une autre découverte se faisait en silence cette fois. L’observation de profil du Professeur donnait a Memet encore davantage de réponses a ses questions.
Il voyait un homme au visage “taille a la serpete” comme il aimait se le dire, avec des pomettes saillantes deja un peu brunies par le soleil de mai. Le regard vif et intelligent était exacerbe par le noir de la prunelle de ses yeux donnant au professeur un aspect Genghis Kahn. Sous une mâchoire solide et capable de broyer n’importe quel resistant a ses explications naissait un cou solide qui avait la particularite de deja montrer la presence d’une pilosité au dela de la moyenne. En contournant le cou les yeux de Memet arrivaient sur cette chemise a carreaux bleu ciel qui des l’ouverture du premier bouton confirmait la presence de poils qui semblait exprimer toute l’envergure et la force du personnage.
Un coup de freins sortit Memet de ses pensees. Il ne s’était écoulé que quelques minutes, un voyage dans le voyage en quelque sorte qui lui aussi l’a transporte plus loin qu’il n’avait jamais été. Il savait a present qu’il passerait autant que ce serait possible sa vie a voyager.
En souriant cette phrase lui revint a l’esprit: “ C’est comme une auberge espagnole, on y trouve ce qu’on y apporte”
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